samedi 12 février 2011

Zoé Shepard au pays des fonctionnaires

Encore un roman qui continue de faire couler l’encre des imprimantes francophones, et la salive à tous les échelons sociaux, des piliers de comptoir aux magistrats zélés en passant par les politiques...

Pour ceux et celles qui n’auraient pas suivi la polémique débutée au printemps 2010, il s’ agit d’ « Absolument débordée » ( « ou le paradoxe du fonctionnaire »), roman signé du nom de plume Zoé Shepard (en réalité Aurélie Boullet). Celle-ci, identifiée après la publication, a été suspendue pour plusieurs mois de sa fonction par sa hiérarchie qui, en plus de l’avoir identifiée, semble s’être reconnue dans les personnages caricaturaux et grotesques du roman (sic...).


Si ce roman fait tant de remous, c’est, comme son titre l’indique, parce qu’il vient dénoncer des dysfonctionnements et des aberrations d’un système particulier de la fonction publique territoriale, et que les généralisations des lecteurs à l’ensemble de la fonction publique vont bon train.


Ce qu’il est important de constater en premier lieu, c’est qu’il y a principalement (mais pas uniquement) des réactions de soutien à Zoé Shepard, et notamment d’agents de la fonction publique qui reconnaissent de nombreux dysfonctionnements au sein de celle-ci (népotisme, inertie, répartition inepte des responsabilités et des charges de travail, gaspillage...) mais qui souhaiteraient un réel changement dans le bon sens.


Même s’il est certain qu’un bon nombre des problèmes soulevés, comme l’ont remarqué de nombreux lecteurs, ne sont pas propres à la fonction publique, et se retrouvent dans les grandes entreprises privées, il en est d’autres qui sont d’une part le résultat d’un système défaillant propre à certains compartiments de la fonction publique (territoriale en particulier), et d’autres qui sont d’ autant plus inadmissibles qu’il s’agit justement de fonction et d’argent publics.

Un système défaillant parce qu’avec une telle inertie et une telle impunité qu’il peut démotiver voire corrompre les meilleures volontés. (Mais attention, que cela ne serve pas de prétexte à la médiocrité, c’est la responsabilité de chacun de lutter contre ces fléaux, aussi difficile que ce soit ! )

Et que sommes-nous en droit d’attendre d’une fonction publique ? Des prestations de services de base pour le bien et l’équité de tous, pour faire simple.

Si, dans des entreprises privées, les salariés qui abusent n’ont à rendre de comptes qu’à quelques actionnaires, les fonctionnaires, eux, sont responsables devant la nation entière, et ont le devoir d’être exemplaires ! Malheureusement, nombreux de ceux qui choisissent cette voie semblent oublier en route ce devoir d’exemplarité. Il est inacceptable d’entendre un peu comme à décharge des comparaisons avec le secteur privé.

Il est nécessaire de redynamiser et de ré-équilibrer de nombreux pans de la fonction publique, et cela doit commencer par une indispensable prise de conscience, accompagnée d’une remise en question à tous les niveaux !

Même si la manière peut ne pas faire l’unanimité, il faut reconnaître à Zoé Shepard le mérite de soulever de nombreux dysfonctionnements réels et de (re)lancer le débat !


Pour conclure, je mettrais un petit bémol tout de même à ce livre très distrayant, parfois comique (et effrayant) et d’abord facile. En effet, il faut noter que l’auteure perd un peu de crédibilité en nous présentant son caractère principal comme un personnage particulièrement psychorigide, peu ouvert, et trop sur de lui malgré sa faible expérience du monde professionnel.

2 commentaires:

  1. Fonctionnaire d'Etat (cadre supérieur), je viens de lire ce superbe livre. Félicitations à l'auteur qui a su dépeindre l'administration dans toute sa splendeur (car ce qu'elle dit est parfaitement valable pour la FP d'Etat que j'ai découverte au bout de 40 ans de services). La récente RGPP a fondu mon ex-administration dans une partie d'une autre; bien sûr les chefs ont été, en grande majorité sur l'ensemble du territoire, nommés parmi cette autre administration "sérieuse".
    Alors que nous étions une des rares à avoir un minimum de respect pour le public qui nous paye et donc un minimum d'efficacité ... nous nous sommes retrouvés dans une administration "administrative" qui ne parle que de fiche de poste, procédures, bilans, rapports, notes, compte-rendu, projets ... bref, alors que nous passions notre temps à travailler pour le public, nous avons dû du jour au lendemain écrire pour les soi-disants chefs(es) afin qu'ils(elles) soient bien vues par le Préfet ... car il en découle primes et avancements.
    Pour une action qui prenait 24h avant, il faut compter entre 2 et 3 semaines maintenant ... et ce n'est pas de l'exagération.
    Il m'a fallu 10 à 15 pages maximum pour retrouver dans ce livre la totalité de nos nouveaux chefs(es), incompétents(tes), imbues, méprisants(tes) ... et de leurs manières de travailler (si ce mot leur parle vraiment).
    En écrivant ce livre, avec beaucoup d'humour, et en faisant la critique de ces administrations Zoé SHEPARD lance un cri de désespoir pour essayer de les sauver et non, comme le pense un nombre non négligeable de lecteurs, "cracher dans la soupe" comme cela a été écrit.
    Le seul reproche que je serai tenter de faire à Zoé SHEPARD est d'être passée par l'Ecole Territoriale d'Administration (pendant de l'ENA ??). J'auraiaimé une formation plus "terrain".
    J'ai fait valoir, à 63 ans passés, mes droits à le retraite pour ne plus voir ce gachis.

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  2. Bonjour Anonyme,

    Et merci beaucoup pour ce témoignage au goût un peu amer, qui illustre l'anéantissement des bonnes volontés par une organisation incohérente.

    L’oubli du pragmatisme, notamment en raison d’un formalisme abusif, et des systèmes d’avancement pervers dont vous parlez, écarte inéluctablement la fonction publique de ses objectifs premiers.

    J’espère que votre retraite vous fera rapidement oublier ce ‘gâchis’, et que vous trouverez de nouveaux moyens de mettre en valeur votre efficacité !

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